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EDOUARD AUTHELET ( 1871 – 1914)

 

Edouard Authelet : Trois ans de Perse, 

 

Par Claude Bossicart

 

C'est sans doute le plus méridional des Belges qui participèrent à cette"coopération", ce transfert de savoir-faire aujourd'hui mieux connu entre le royaume de Belgique et l'empire de Perse.

 

Edouard Authelet est né au village de Latour (Virton) le 28 octobre 1871.

 

A vingt ans il entre en caserne pour six années, d'abord à Namur puis au Petit Château à Bruxelles où il deviendra sous-lieutenant. Entretemps il réussit le brevet de "prévôt" qui lui permet de donner cours de courtepointe, lui assurant ainsi une très bonne maîtrise des armes. Sa future épouse ne veut pas d'un militaire. C'est pourquoi on le retrouve en 1897 à Anvers-Port - au septentrion - engagé au bas de l'échelle comme sous-brigadier des douanes.

Fin 1902 déjà, il s'informe auprès d'un collègue parti depuis peu dans la filière persane sur les mœurs locales, la sûreté, les langues et le voyage à entreprendre. Il veut aussi savoir si un nouvel appel sera lancé aux agents belges...et comment y répondre. C'est en juin 1911 après avoir été retenu avec un compatriote, Sonet mort et enterré là-bas, qu'il part pour 3 ans selon leur Convention. Celle-ci prévoit un congé de 3 mois à terme échu.

 

Authelet, qui s'avère être un fonctionnaire peu ordinaire occupera six postes différents dont cinq aux frontières Nord en passant aussi par Téhéran. Son grand mérite est d'avoir raconté cette expédition dans quarante grandes lettres, envoyées à sa femme et à sa petite fille, restées au pays.

On y découvre un homme curieux de tout, observateur doué, consciencieux et motivé, exilé pâtissant mais prêt à renouveler l'expérience pour trois ans.

 

Hélas, il n'échappera pas à son destin et n'accomplira qu'un seul terme au service de la Perse. De retour en Belgique au moment où la 1ère Guerre Mondiale éclate, il est massacré le 22 août avec 70 autres villageois dans les atrocités commises par des Prussiens*.

 

Selon un ordre chronologique et en suivant le récit épistolaire on peut établir les postes, le niveau, la variété et le contenu de ses occupations qui ne se limitent pas aux tarifs douaniers.

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DJOULFA (WOULFA)

 

Prise de poste à Djoulfa, en remplacement d'Emile Ransquin, en passant par des oasis et par Bakou aux nombreux puits de pétrole russes.

Plus de 500 kms de frontières montagneuses, deux cent agents et un nouveau rôle à tenir :"un petit Directeur d'Anvers, avec des droits plus étendus et plus de pouvoir". Des caravanes de 1000 à 2000 chameaux tous chargés et des bâtiments de douane magnifiques. Forte chaleur, beaucoup de poussière et peu de verdure. Voilà son nouveau quotidien. Dès son arrivée, le sous-brigadier d'Anvers y va de ses observations et descriptions détaillées, au fil de ses découvertes et premières inspections - en voiture, en chemin de fer et bientôt à cheval.

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ENZELI

 

Authelet est assigné à Enzeli comme adjoint au Directeur provincial, d'août à décembre 1911. Il y découvre un gros élevage de vers à soie d'où proviennent quantités de soieries envoyées en Occident. Authelet se mesure aux jeunes vérificateurs belges présents (grade d'origine en vigueur) et constate qu'il "en impose plus auprès des persans".

Son grade adapté à l'échelle persane apparaît sur le courrier : Inspecteur des douanes du Ghilan. Il a sous ses ordres 2 inspecteurs, un français et un grec, un contrôleur persan, un chef comptable grec, des caissiers, comptables et commis persans, un chef vérificateur français, 5 vérificateurs persans, des douaniers appelés feraches et des bateliers (Enzeli est un port au milieu d'un groupe d'îles).

La Perse étant divisée en 10 provinces, Edouard Authelet est l'Inspecteur provincial du Ghilan. Sonet, qui s'est engagé en même temps est Inspecteur provincial de l'Azerbaïdjan. Plusieurs "princes" persans sont dans leurs services. Ils proviennent des sérails des Shahs successifs et de leurs nombreuses femmes.

BILECEVAR

 

Authelet prend un poste d'Inspecteur général du Moghan en décembre 1911, avec résidence à Bilecevar. Ce grade très supérieur est utilisé dans le courrier destiné à sa femme et à sa proche famille. La description du poste est bien réelle : quantités très diverses de marchandises, longues distances de frontières à parcourir et surveiller, environnement assez hostile et instable, isolement à assumer... La rivière Araxe sert de frontière naturelle et se traverse à gué. Les Russes sont établis sur l'autre rive, il a leur appui dit-il. Il théorise son mandat en trois points : le concept renforcé de frontière nationale, la présence des tribus à faire coexister et un équilibre à imposer aux uns et aux autres. Un rôle individuel qui en dit long sur le professionnalisme exigé à présent des Belges. De plus, le statut local étendu dépasse les termes de l'engagement, car il faut au passage veiller à renforcer le pouvoir du Shah au Nord.

Authelet prend possession d'une nouvelle douane perse, après avoir logé du côté russe. En fonctionnaire issu de la ruralité, il ajoute à sa résidence des dépendances horticoles et tout un cheptel.

Les tribus locales sont combattues à la fois par les cosaques russes et les forces gouvernementales persanes. Dans son récit, Authelet décrit comment il s'interpose dans un village pour éviter l'affrontement, accompagné de "ses" cavaliers recrutés par la douane. Reçoit un télégramme annonçant son transfert à Téhéran, à 500 km de route après une traversée en bateau.

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TEHERAN

 

Prise de ce nouveau poste le 21 juillet 1912. Parti comme sous-brigadier des douanes d'Anvers, il se retrouve Directeur des douanes aux colis postaux, à la capitale jusque fin avril 1913.

Le parcours Nord-Sud, traversant la campagne surchauffée et quelques villes (Astara, Recht, Kazvin), ainsi que l'entrée à Téhéran sont richement décrits de même que les premières réceptions et évènements exceptionnels.

Une définition complète du "maliat" (perception des impôts) permet de mieux comprendre le régime de fermage impérial, tenant lieu d'impôt foncier provincial administré par des Belges. Ces derniers forment une sorte de colonie, dont une quinzaine participent à une messe d'obsèques pour la Comtesse de Flandre, mère du roi Albert 1er.

Un collègue, Constant, est cruellement blessé par pistolet et sa femme tuée lors d'un retour en ville dans ce qui semble être un règlement de compte. Un autre Belge, Dumez, en route pour rétablir la perception des impôts dans la province d'Azerbaïdjan est assassiné avec 14 adjoints et 14 cavaliers gouvernementaux. Le coup vient de nomades.

Authelet, selon un dispositif courant, reçoit un nouveau poste. Il quittera la métropole pour Kermanshah, à six jours de voiture et quatre jours de cheval. Poste relativement proche de Bagdad qui fait partie de l'Empire ottoman. Soit 600 kilomètres au nord-ouest de Téhéran, et 11 jours de voyage. Son logement est partagé provisoirement avec un Français, directeur des Impôts de Kazvin. Le médecin qui le visite et le vaccine est le docteur Gachet, de la légation de France. Son horaire de service en hiver est de 9 h - midi et 14 h – 17 h ; en été de 7 h -midi avec travail à la maison si ouvrage pressant.

KERMANSHAH

 

En mai 1913, prend la direction de la douane de cette province, du service des des passeports et d'une partie des Finances.

Début juillet 1913, nouveau déplacement de poste pour un remplacement à un important poste-frontière : Kasr-Chirine, à trois heures de la frontière turque, en pays kurde où les chameliers sont arabes et où le désert d'Arabie ne se trouve qu'à une journée.

KASR-CHIRINE

 

Constate l'inefficacité et l'incurie des prédécesseurs depuis 14 ans que la douane existe (1889). Fraude (presque ouverte), surtout d'armes. Le gouverneur et quelques chefs de tribus donnent du fil à retordre. Il se donne deux ans pour arranger tout cela ; espère être secondé selon la promesse du gouvernement impérial.

Authelet avec le directeur anglais des pétroles sont les seuls européens sur place. Etant parti seul il envisage son second contrat accompagné par sa femme et sa petite fille. Il écrit : " Il n'y a pas mal de femmes européennes en Perse qui s'en trouvent bien...".

 

Le parcours de retour se fait via la mer : Bakou - Batoum - Constantinople - Marseille - Paris puis la Belgique. C'est au début de son voyage de retour, - avec en poche un accord de prolongation de 3 ans - qu'a lieu à Sarajevo le 28 juin 1914 l'attentat qui déclenchera, un mois plus tard, la « Grande Guerre » 14 - 18. Elle lui sera fatale.

 

Claude BOSSICART

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*Cfr. « Un destin qui finit mal à la Belle Epoque », Claude BOSSICART et Roger SAUSSUS. 2018. Ed. Musées de Latour. 256 p. Nombreuses illustrations. 

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